Brexit : La Grande-Bretagne marche sur la tête !
Article paru sur Latribune.fr le 3 septembre 2019
Qui aurait pu imaginer avant le référendum de 2016 que la Grande-Bretagne serait dans une telle situation aujourd’hui. Outre le fait que David Cameron n’a pas mesuré les risques, tant il était assuré d’un résultat positif pour le « Remain », il n’a pas vu qu’il se lançait dans une procédure inversée. Elle allait, de plus, conduire à un choc de légitimité entre la décision populaire du référendum et la légitimité populaire du Parlement. La seule solution sera de retourner vers le peuple, mais de bonne façon.
Un coup politique est un coup politique. Si, il est gagnant c’est bien, mais si, il est perdu, les conséquences vont bien au-delà d’un simple loupé. Souvenons-nous de la dissolution de Jacques Chirac de 1995, opération politique de convenance, pour essayer de garder une majorité chiraquienne, qui s’opposait totalement à l’esprit de la Constitution. Résultat le président de la République installa à Matignon Lionel Jospin qu’il avait battu 2 ans plus tôt à la présidentielle, et qui n’en espérait pas tant.
Le mauvais « coup » de David Cameron
David Cameron aurait dû relire l’histoire de l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun d’alors, avant de se décider. Il aurait vu qu’il y avait eu dans les années ’70 un cheminement. D’abord l’IDEE de rentrer dans le Marché Commun, puis des négociations aboutissant à un TEXTE et finalement un REFERENDUM pour valider, ou non, le projet et le texte.
Mais en 2016, au lieu de commencer par réfléchir avec le Parlement, négocier un texte avec l’Union européenne et finir par un référendum sur ce texte…. David Cameron a commencé par un référendum « vide » sans texte, sur des idées, et où finalement celle du « Leave » exprimant que l’herbe devait forcément être plus verte ailleurs l’a (de peu) emporté….
Mais cette erreur dans le processus, qui allait 3 ans plus tard créer l’imbroglio politique que l’on connaît contenait une erreur encore plus importante, plus profonde, celle d’un choc de légitimité.
Le choc de deux légitimités populaires
Le processus référendaire donne à la décision quelle qu’elle soit, ou dans quel pays que ce soit, une légitimité populaire. Mais ensuite, le processus politique et l’élaboration des textes relèvent du Parlement, lui aussi issu du vote citoyen…. Il s’est donc créé un choc inévitable de deux légitimités issues toutes les deux du Peuple. En plus du choc du fait de la procédure inversée décrite plus haut, choc de l’idée contre le texte, choc maintenant de deux légitimités populaires, la légitimité citoyenne référendaire et la légitimité élective citoyenne des membres du Parlement.
Voilà ce qui explique ce que nous voyons depuis plusieurs mois, ces interminables batailles parlementaires, la chute de Thérésa May, l’arrivée d’un nouveau Premier ministre.
Le « coup » de Boris Johnson
Cette analyse du choc des légitimités permet d’éclairer sous un autre jour la décision de Boris Johnson de mettre le Parlement « de côté » pour faire passer la décision référendaire du « Brexit». Il résout à sa façon l’opposition des deux légitimités, en donnant la priorité à celle pour laquelle il s’est battu, la légitimité référendaire. On se souvient de cette invraisemblable image de « BOJO », suspendu par la ceinture au câble d’une grue, casque de chantier sur la tête et drapeaux britanniques dans les mains…
Alors maintenant ?
Aux oppositions de procédures et de légitimité s’ajoute maintenant une décision « normale » sur le fond, mais « anormale » dans sa durée de presque 5 semaines, d’ajourner le Parlement. Pour un débat stratégique, elle réduit à moins de 2 semaines la session, avant le 31 octobre, date de sortie de l’Union européenne.
Une solution qui, en quelque sorte, rajoute un problème…
L’opposition parlementaire, Jeremy Corbin en tête va essayer d’obtenir de nouvelles élections. Disposition stratégique en réponse à la disposition stratégico-tactique de Boris Johnson de faire valider par la Reine cet ajournement de longue durée du Parlement.
Mais cela va-t-il répondre au problème de fond ?
Oui en retournant vers les électeurs, non, en ne leur présentant pas les bonnes cartes.
Ils vont avoir à choisir entre des partis, qui vont devoir effacer leurs spécificités et se ranger derrière soit le « Leave » soit le « Remain », qu’ils le veuillent ou non.
Tout autre choix, de « Brexit » dur, le « No deal », ou de « Brexit » tel qu’il a été codifié avec la Commission européenne, ou de « Remain », ou de proposition d’un nouveau référendum, va introduire toujours plus de confusion.
Il faut revenir certes vers les électeurs, mais avec la proposition contenue dans le texte d’accord avec la Commission européenne.
« Vous avez choisi de quitter l’Union européenne, confirmez-vous sur la base du texte d’accord ? ». OUI, NON.
Enfin un texte, enfin un vote populaire sur le texte, enfin un processus dans le bon sens. Il serait bon en effet que « le bon sens » revienne…..
La solution est simple…. Too simple… ? May be…..
Mais ce sont l’ensemble de ces processus électoraux inversés qui font, qu’aujourd’hui, la Grande-Bretagne….marche sur la tête.