La baisse de l’euro et du baril : de quoi sauver la croissance?
La conjonction de l’actuelle baisse de l’euro et des prix pétroliers, qui pourraient toutes deux durer, est particulièrement favorable à l’économie française
Il se produit depuis quelques semaines une conjonction peu attendue mais dont les conséquences sur l’économie (et la politique) française pourrait être significatives. Le premier élément de cette conjonction s’appelle « cours de l’Euro » vis-à-vis du dollar. Si la baisse de la monnaie européenne avait été annoncée pour 2014, il ne semblait pas au vu des 7 premiers mois de l’année que cette prévision allait se réaliser.
La baisse de l’euro était prévue par les analystes sur la base d’une remontée des taux aux Etats-Unis, et la fin du « quantitative easing » de la Fed, la « Federal Reserve » américaine tenant compte de la reprise progressive mais régulière de l’économie américaine, et de la baisse corrélative du taux de chômage repassé sous les 7%… !
Merci M. Draghi, d’avoir donné le signal de la baisse !
Les taux américains ne remontaient toujours pas, et l’euro ne bougeait pas… jusqu’au moment où, la Banque Centrale Européenne, de façon inattendue, mais tenant compte du ralentissement continu de l’activité industrielle, et particulièrement en Allemagne, et du risque d’une situation déflationniste, a procédé à la fois à une baisse de son taux directeur, à l’augmentation des taux négatifs des dépôts bancaires, et au rachat d’actifs obligataires…
Le signal d’une baisse de l’euro ne venait pas de New-York, mais de Francfort… ! Merci Mr. Draghi.
Cette baisse devrait donc se poursuivre quand, aux Etats-Unis, les taux vont repartir à la hausse. Cela ne sera pas pour tout de suite, mais il ne faudrait pas être surpris de voir le taux directeur de la Fed atteindre 1% fin 2015 et 2% l’année suivante.
Bientôt, un euro égalera 1,20 ou 1,25 dollar
Un euro dans la zone des 1,20-1,25 dans les 6 prochains mois ne serait donc pas impossible. Un tel niveau signifierait une baisse d’environ 10% par rapport aux cours du début 2014. Aide sérieuse d’un point de vue économique à l’exportation hors zone euro, et satisfaction politique, puisque la baisse de la monnaie européenne était une demande forte du monde politique français… Coup double.
Et le pétrole baisse aussi…
Quel est l’autre facteur économique de de cette conjonction ? Le cours du baril de pétrole. D’ordinaire, les gesticulations militaro-économiques ne sont pas favorables à une baisse des cours du pétrole, surtout quand l’un des protagonistes de cette nouvelle agitation internationale, la Russie, exportateur de pétrole, pourrait avoir des velléités de restreindre ses exportations de matières premières énergétiques, gaz et pétrole. A cette situation russe s’ajoutent les difficultés en Irak et en Lybie.
… Grâce à un ralentissement de la demande
Et pourtant, en pleine « escalade » ukrainienne, les cours du pétrole baissent, et le « Brent » vient de passer sous la barre symbolique des 100 dollars (97,2 dollars le 11 Septembre) soit 15% de baisse en un an, 7% sur le dernier mois ! Qu’est-ce que cela veut dire, qu’est-ce que cela cache ? L’augmentation annuelle de la demande mondiale est depuis plusieurs années très sage, et se situe autour de 1%.
Si l’Asie est toujours en demande croissante, la demande chinoise ralentit. Les pays occidentaux, principaux consommateurs sont dans une autre phase. L’Europe dans une situation de presque stagnation, voit ses besoins stables voire diminuer en tenant compte de l’augmentation des énergies renouvelables, et les progrès réguliers de rendement des moteurs automobiles, moins gourmands.
L’Amérique de son côté se trouve dans une situation nouvelle, avec l’exploitation croissante de ses propres gaz et pétrole de schiste. Sa demande est en conséquence de moins en moins forte sur le marché mondial d’achat de brut. A cela s’ajoute que le premier consommateur de produits pétroliers dans ce pays qui a pour nom « Le Pentagone », réduit ses propres besoins. Après le retrait des troupes d’Irak, se produira à la fin de l’année 2014 le retrait des troupes d’Afghanistan. A cette situation stratégique, s’ajoute pour les militaires américains la variable technologique, à savoir les tests d’emploi de bio-carburants, et la mise en œuvre des drones qui consomment 10 fois moins qu’un jet militaire…
L’Amérique va être moins consommatrice, et grâce à ses ressources propres interviendra moins fortement comme acheteur sur le marché mondial.
De plus, l’Amérique va devenir exportatrice de brut
Ce processus de baisse du prix du brut va-t-il se poursuivre ? Oui, et pour deux types de raisons. Premièrement, il est fort probable que l’Amérique devienne à son tour exportatrice de brut. Elle en a les ressources grâce aux huiles de schiste, et elle s’apprête à faire évoluer sa réglementation qui la privait jusqu’à présent de la possibilité d’exporter son pétrole brut. Elle exportait seulement des produits raffinés.
L’Iran de retour, l’offre de l’Irak stabilisée: les conditions d’une baisse structurelle des prix pétroliers
Deuxièmement, les Etats-Unis dans le cadre des négociations avec l’Iran vont permettre à ce pays de revenir sur le marché mondial du brut, en échange des nécessaires concessions sur ses moyens nucléaires.
A cette disponibilité additionnelle du brut iranien, il conviendra d’ajouter l’offre croissante de L’Irak à nouveau stabilisée, et les perspectives de production de l’off-shore brésilien.
Les conditions sont donc potentiellement réunies pour une baisse structurelle du prix du brut. Son niveau doit toutefois satisfaire les pays du Golfe, et les compagnies internationales engagées dans des investissements de dizaines de milliards de dollar. Un cours autour des 90 dollars devrait pouvoir satisfaire l’ensemble des parties.
Un cours à ce niveau, favorable pour l’économie européenne et pour les BRICS créera, en boomerang, des difficultés pour l’économie… russe… dont le budget est à l’équilibre sur la base d’un baril à 100 dollars. Mettre le régime russe à l’intérieur sous pression pourrait ne pas déplaire ni à Washington, ni à Bruxelles. L’augmentation du dollar pourrait en partie compenser…
Il est à ce titre intéressant de constater historiquement que toute tendance de baisse du brut s’accompagne toujours en symétrie d’une hausse du dollar… Les exportateurs du Golfe apprécieront.
Une chance pour la France
En France, la baisse du prix du pétrole va se constater tous les jours à la pompe pour les consommateurs-électeurs, et une baisse durable aura un impact sur le prix des matières premières issues du pétrole, reconstituant ainsi certaines marges brutes dans l’industrie… sans intervention de l’Etat, seulement… la main invisible du marché…
La croissance économique peut s’alimenter à différentes racines. Il y eu la racine investissements des 30 glorieuses, puis la racine endettement, enfin la racine des taux zéro.
Les taux de croissance de l’économie occidentale qui résultent de cette 3ème racine, au mieux entre 1 et 2%, sont insuffisants pour réduire simultanément le taux d’endettement des états et le taux de chômage des électeurs.
Il nous faut nous tourner vers la quatrième, et dernière racine, la baisse du coût de l’énergie. En corollaire, nous verrons une hausse du dollar, d’ailleurs alimenté par une relève des taux de la Fed. Nous reviendrions ainsi pour quelques temps dans une situation économique de dynamique positive.
Les conditions économiques dans les 2 ans à venir devraient donc être fort différentes de celles que nous avons connues ces deux dernières années, c’est-à-dire un Euro fort, et un cours du pétrole élevé. L’Euro et le baril, amélioreront ils suffisamment la situation économique internationale, pour sauver l’économie française et… le Président ?
Les changements de cycle économiques et la chance font partie de la vie politique !