Ukraine, la boîte de Pandore de Vladimir Poutine (1ère partie)

Le poète grecque Hésiode nous fournit la plus ancienne et la plus connue des versions de ce mythe.

Pandore était détentrice d’une boîte mystérieuse que Zeus lui avait remise. Il lui interdit de l’ouvrir. Celle-ci contenait tous les maux de l’humanité, la vieillesse, la maladie, la guerre, la famine, la misère, la folie, le vice, la tromperie, la passion, l’orgueil, ainsi que l’Espérance.

Après son mariage, Pandore céda à la curiosité et ouvrit la boîte. Elle libéra ainsi les maux qui y étaient contenus. Elle voulut la refermer, mais hélas il était trop tard.

Seule l’Espérance, plus lente à réagir, y resta enfermée.

En déclenchant l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine, pour la première fois de sa carrière, s’est lancé dans une aventure militaire, de très grande ampleur, non provoquée, donc de sa propre initiative.

Le précédent géorgien est fort différent, ampleur réduite, courte durée, et surtout initiative des hostilités portée par la Géorgie, contre l’Ossétie du sud….

Nous ne reviendrons pas sur la lente maturation du plan d’invasion ukrainien, analysée dans de précédents écrits. Nous fixerons le début de cette présente réflexion au 24 Février, le jour de l’ouverture de la « boîte de Pandore » ukrainienne.

Il n’est pas inutile de rappeler que sur le couvercle de cette boîte-là, était inscrit une inscription qui disait à peu près, ceci : « invasion complète de l’Ukraine en 3 semaines ».

Tel était le plan, tel était le rêve, échafaudé depuis si longtemps. Une force militaire limitée, un peu plus de 150.000 hommes, un effet de surprise, et surtout, surtout, une population ukrainienne qui allait accueillir les joyeux soldats russes, avec des roses, en libérateur. L’Ukraine, tombée aux mains de hordes nazies, allait enfin être libérée, et venir ainsi retrouvée sa place de vassal du grand frère russe. La plus grande catastrophe géopolitique du XXème siècle, à savoir la chute de l’URSS, allait ainsi être vengée, et l’ordre russe régner à nouveau, dans le berceau de l’Empire. Tel était le contenu du rêve de Vladimir Vladimirovitch Poutine.

Mais, dès l’ouverture du couvercle, les évènements n’allaient pas vraiment se dérouler comme rêvés. Ni roses ukrainiennes, ni liesse des habitants, au rendez-vous. Certes, la surprise de l’attaque d’une force mécanisée, et aérienne, très supérieure, allait donner à l’armée russe, dans les premiers jours, l’impression que le rêve, et l’inscription sur le couvercle de la boîte, représentaient la réalité, et la vérité.

Mais au bout de quelques semaines il fallut déchanter, et abandonner l’idée de prendre Kiev, de renverser, président et gouvernement. Pis il fallut désengager l’armée russe de la capitale ukrainienne, et se replier vers la Biélorussie, et le Donbass, nouvel objectif, limité, de conquête. Environ 25%, au maximum, du territoire ukrainien avait été sous contrôle de l’armée russe.

Les semaines qui suivirent ce redéploiement, virent de très violents combats à partir du mois de mai, à Severodonetsk, et Lyssytchansk, dans la région de Lougansk. La totalité de cet Oblast tomba sous contrôle de la Russie, qui y menait des combats avec ses milices depuis 2014…..

Dans le sud, dès le 2 Mars, la ville de Kherson avait été prise, grâce à une forte attaque, bien articulée, autour de troupes expérimentées venant de Crimée. La route d’Odessa semblait s’ouvrir. Mais la ville de Mikolaïev a résisté, la route vers Odessa est restée fermée. Cependant la chute de Marioupol allait permettre de réunir le sud des conquêtes avec leur partie est.

Au fil des mois d’été, les lignes de front se sont stabilisées, jusqu’à l’inattendue contre-offensive ukrainienne, au nord, début septembre. Toute la région de Kharkiv fut libérée et les nœuds ferroviaires de Koupiansk et de Lyman, repris. Au 1er octobre les ukrainiens auront reconquis presque 10.000km² de leur territoire…. juste au moment où le président russe annonçait l’annexion des zones occupés par son armée….!

Après plus de 210 jours de guerre, au lieu des 21 envisagés, la « boîte de Pandore » ouverte par Vladimir Poutine révéla tous ses secrets ;

1. L’armée russe, que l’on pouvait classer comme la 3ème armée du monde après celles des États-Unis, et de la Chine n’a pu prendre au plus que 25% du territoire de l’Ukraine, et en contrôle début octobre qu’un peu plus de 15%…. Le monde s’empressa donc de la déclasser.

2. La Russie, forte de ses 145 millions d’habitants est tenue en échec par un pays de 40 millions. La Russie n’est donc plus une grande puissance

3.  Au lieu d’une opération militaire spéciale, la Russie a mené une guerre qui à ce jour lui a coûté environ 60 à 70.000 morts et blessés. Elle a perdu la moitié des chars engagés et plusieurs milliers de véhicules de tous types. Il faut y ajouter plusieurs navires dont un croiseur, navire amiral de sa flotte en mer Noire. Elle a également perdu des dizaines d’avions et plus de 50 hélicoptères. La Russie ne sait plus reconstituer ses stocks d’armement.

4. Après 15 années de stratégie de division de l’Europe et de découplage de cette dernière des États-Unis, l’opération ukrainienne a réussi, en quelques semaines à consolider l’Europe contre Moscou, et resusciter l’OTAN, en l’élargissant très probablement à 2 nouveaux membres, la Finlande et la Suède….Au lieu de s’effondrer l’OTAN se renforce.

5. Après 15 années de stratégie de division de l’Europe, elle a réussi à faire bâtir aux européens une stratégie d’approvisionnement énergétique coordonnée, contre elle. Elle fournissait 45% des approvisionnements gaziers européens, dans les 3 ans, elle se retrouvera à pratiquement zéro. Elle ne pourra pas, par un coup de baguette magique, faire changer de direction aux milliers de kilomètres de gazoduc, orientés vers l’Ouest. L’approvisionnement compensatoire de la Chine et l’Inde est un leurre, que seuls les médias et leur naïveté, peuvent accepter… Il faut de très nombreuses années pour préparer, construire, et mettre en œuvre un gazoduc de plusieurs milliers de kilomètres…orientés vers d’autres horizons. L’Europe de l’énergie est un marché perdu.

6. Fort de cette prise de conscience continentale, l’Union Européenne a décidé de mettre en place une « Communauté Politique Européenne ». Les 27 membres de l’UE, ont invité 17 autres pays de l’espace européens, le 6 Octobre à Prague. La liste de ces 17 est impressionnante : Royaume-Uni, Turquie, 6 pays des Balkans occidentaux, la Suisse, la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein, l’Ukraine, la Géorgie, la Moldavie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan…..Une « Communauté Politique Européenne, tournée contre la Russie, le pire mal auquel « l’Empire Russe » ait pu rêver….

7. Ses voisins et ex-territoires, Arménie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, et d’autres, ont tellement compris le combat de la Russie contre l’occident qu’ils s’éloignent de plus en plus de Moscou, au point de soutenir l’Ukraine, en lui offrant équipements et divers approvisionnements, à l’image de l’Azerbaïdjan et du Kazakhstan…. Autre mauvaise surprise diplomatique….

8. D’autres désagréments diplomatiques allaient se révéler. La Chine a adopté une « position équilibrée » dixit Vladimir Poutine, donc une absence de soutien. Cette position crée un peu de désordre, entre « alliés stratégiques ». La Chine voit avec horreur des référendums changés des frontières…. Craindrait-elle un référendum à Taïwan ?

9. Un deuxième partenaire l’Inde, lui exprime en face à face, par l’intermédiaire de son premier ministre, devant les médias, que « le temps n’est pas à la guerre ». New Dehli vient d’annoncer la signature d’un programme conjoint de recherche et de fabrication de drones militaires avec…. les États-Unis….. Moscou a été le principal fournisseur de l’armée indienne, qui se tourne de plus en plus vers l’occident….
Bérézina …..

Ainsi se présentaient un à un les maux, contenus dans cette boîte de Pandore, ukrainienne. Vladimir Vladimirovitch pensait que ses surprises s’arrêteraient là, c’est-à-dire à des maux extérieurs à la Russie. Mais il découvrit soudain, avec grande stupéfaction, un tiroir secret, tout au fond de la boîte.

Sur le fronton de ce tiroir était portée une inscription où il était possible de déchiffrer : « maux destinés à l’intérieur de l’Empire Russe ».

Vladimir Vladimirovitch voulut résister, mais sa main échappa à son contrôle (certains le disaient d’ailleurs atteint de quelque mystérieuse maladie, du nom de Parkinson, il n’y a décidément que les anglo-saxons pour imaginer ces choses-là……) et il ouvrit, à son corps défendant, cet autre tiroir,..

Son contenu sera révélé, dans quelques jours, dans une deuxième partie….

« …..Nul ne peut échapper à la volonté de Zeus…. »