En Afrique, le Sénégal joue un rôle stabilisateur Régional et Continental
Article paru sur le site de La Tribune le 02 mai 2023
Afrique, Sahel, Sénégal, trois espaces géographiques, étroitement imbriquées. Dans une Afrique perturbée par des rivalités aussi bien intérieures qu’extérieures, le Sénégal, qui possède avec la France tant de liens particuliers, se doit de poursuivre un rôle stabilisateur. Certes le pays connaîtra des élections présidentielles début 2024, et fait donc face dès cette année à l’agitation de leurs préparatifs. Mais globalement son histoire, sa position géographique océanique, ses moyens sécuritaires, l’orientent dans ce rôle d’ouverture et de stabilisation.
Certes le Sénégal ne couvre que 200.000 des 30 Millions de km² du continent, et sa population se situe en dessous des 20 millions d’habitants. Mais il est impliqué dans aucun conflit de voisinage, et a connu au cours de ses 63 ans d’indépendance, 3 alternances politiques pacifiques, transitions encore saluées dans un rapport récent de la Banque Mondiale.
Le président Macky Sall, qui vient de quitter la présidence de l’Union Africaine, a œuvré au cours de celle-ci pour qu’une position soit accordée au Continent Africain, tant au niveau du Conseil de Sécurité de l’ONU qu’au niveau du G20. Ces démarches positionnent le Sénégal sur la scène politique internationale, dans ce rôle de politique inclusive, qui lui convient. Cette double démarche est naturellement soutenue par le gouvernement français.
Cette stratégie Sénégalaise a eu l’occasion de s’exprimer à travers des opérations de maintien de la paix.
Le rôle sécuritaire du Sénégal
Les forces armées de Dakar ont été déployées lors d’opérations qui sont maintenant achevées. On peut citer à cet égard des missions d’intervention, au Darfour ou des missions d’observation des Nations Unies en Ouganda, Rwanda, et Angola.
Mais les forces armées Sénégalaises interviennent également dans des opérations qui sont toujours déployées dans le cadre des Nations Unies, en République Centrafricaine, ou au Tchad.
Le rôle de la France
La France et le Sénégal ont un partenariat qui dure depuis l’indépendance du Sénégal. La relation militaire entre les deux pays a évolué depuis lors, et la France apporte son assistance pour la formation de l’armée sénégalaise. Elle fut mise en place par des accords de défense signés en 2012, qui définissent le cadre des exercices conjoints et des formations spécialisées.
Cette signature s’est accompagnée d’un prêt de 130 millions d’Euros, considérés à l’époque comme « une véritable bouteille d’oxygène » par le président Macky Sall.
L’Armée française au Sénégal est plus connue sous le nom d’Éléments français au Sénégal (EFS). Composée de quelques centaines de militaires et de civils, et répartis dans différentes bases, à Ouakam et Rufisque. Cette collaboration avec les armées sénégalaises a été mises en place à travers des partenariats militaires opérationnels.
Par ailleurs, depuis 2011, la présence permanente des Forces armées françaises au Sénégal, à Dakar, a évolué pour constituer un “pôle opérationnel de coopération à vocation régionale”.
L’organisation actuelle des forces armées
Depuis 2012 le Sénégal a pris diverses mesures pour renforcer l’armée du pays et améliorer son équipement.
Afin de garantir l’autonomie dans le domaine de la formation militaire, l’Institut de Défense du Sénégal a été créé en 2021, . Il comprend une école d’état-major, une école supérieure de guerre et un centre de doctrine. Il incarne une réponse concrète au défi de la formation des cadres militaires de haut niveau. Cet organisme a une vocation internationale, et a pour mission la formation en temps de guerre et de paix, la participation à des opérations de maintien de la paix, ainsi que de contribuer aux recherches académiques.
Le Maroc, et d’autres pays, ont apporté leur soutien à l’Institut lors de ses premières étapes de développement. L’IDS a en effet un accord de partenariat avec le Collège Royal de l’Enseignement Supérieur Militaire au Maroc. La France et les Etats-Unis ont eux aussi décidé de coopérer à ans la formations des officiers supérieurs.
Le 4 avril 2023, le président du Sénégal a créé un poste de Haut fonctionnaire de défense chargé de superviser la politique de sécurité, la prévention des crises et des situations d’urgence ainsi que la préparation des mesures d’application. Cette décision a été prise en raison du contexte sécuritaire national, régional, et international.
L’organisation des forces armées est accompagnée pour compléter le dispositif sécuritaire par une Direction générale du Renseignement National, divisée en deux branches, l’une nationale, l’autre, extérieure, dirigée par le général de corps d’armée Cheikh Sene.
Ces évolutions d’organisation ont été accompagnées par la nomination très récente d’un nouveau chef d’état-major, le général Mbaye Cissé, précédemment chef d’état-major particulier du président. Il remplace le général Oumar Wade qui prend sa succession auprès du président. Le général Mbaye Cissé est diplômé de plusieurs écoles militaires, dont l’Ecole nationale des officiers d’active de Thiès, de l’école supérieure de guerre de Paris, et de l’Ecole d’état-major et de commandement de l’Armée de Terre des Etats-Unis. Il est également titulaire d’un certificat de maîtrise en philosophie et d’un Master2 en Relations Internationales obtenu à L’Université Paris 2 Panthéon Assas.
Faire face aux menaces potentielles
En septembre 2022, le président du Sénégal s’est exprimé, à ce sujet, à la tribune de l’assemblée générale de l’ONU : “le terrorisme qui gagne du terrain sur le continent n’est pas une affaire africaine, c’est une menace globale”. Un budget plus important est nécessaire pour lutter contre cette menace. Renforcer les forces armées pour lutter contre le terrorisme est donc la ligne directrice.
Le ‘Timbuktu Institute’ organisme chargé de surveiller les conflits religieux et le radicalisme en Afrique a mené en 2016 une étude pour analyser la perception du terrorisme chez les jeunes de banlieues de Dakar. Elle avait pour objectif de déterminer si les jeunes sénégalais pouvaient être attirés par l’idéologie djihadiste. Selon le résultat de l’enquête, l’immense majorité des sondés n’a pas l’intention de rejoindre un groupe défendant un islam prétendument radical.
Cependant, en 2019, un reportage de la chaîne France 24 s’est quand même penché sur la montée d’un islam plus radical dans le pays, bien que le Sénégal soit épargné par les attaques terroristes. Il y a en effet des inquiétudes quant au développement de comportements issus d’un islam conservateur, en particulier dans l’enseignement privé.
Afin de lutter contre la menace djihadiste qui plane sur la sous-région ouest-africaine, le Sénégal a renforcé sa présence militaire près de la frontière avec le Mali.
L’armée sénégalaise est en effet une des principales contributrices en soldat et policiers à la force de l’ONU chez son voisin malien. Elle a maintenu en 2022, son niveau de participation à la MINUSMA (Mission Multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali), une composante majeure de l’intervention militaire au Mali.
Bien que considéré comme un pays stable, le Sénégal demeure vulnérable à la menace terroriste, notamment dans des régions situées à la frontière du Mali où la menace terroriste est très prise au sérieux par les autorités Sénégalaises.
Plusieurs études, dont une de l’Institut d’études de sécurité (ISS), publiée l’année dernière, a alerté sur les vulnérabilités dans les régions situées à la frontière avec le Mali.
Dans la délicate situation du Sahel, où se mêlent conflits ethniques, influences djihadistes, et influences russes, il est essentiel que des pays africains puissent, eux-mêmes, contribuer au renforcement de la stabilité et de la résolution de cette complexe situation.
D’un point de vue géopolitique, le Sénégal se trouve donc dans la position de jouer un rôle important dans la situation sahélienne.
L’organisation et l’efficacité de ses structures militaires constituent donc naturellement une des préoccupations majeures de son gouvernement.