2024, année de la Colombe ou du Dragon ?
En ce début d’année, avant de réfléchir à l’orientation de la géopolitique mondiale, je souhaite transmettre à chacun des abonnés (de plus en plus nombreux) du « Monde Décrypté » et aux nouveaux visiteurs du site, mes vœux les plus sincères pour une année personnelle, et professionnelle, la plus réussie possible, accompagnée d’une ambiance familiale épanouissante.
En essayant de contempler l’ensemble des scènes du monde, en 2023, on doit constater, avec tristesse, que les zones où ne retentissent pas de cliquetis d’armes, continuent de diminuer. Si jusqu’à présent, les 4 arcs de crise du monde (Mer de Chine, frontière occidentale russe, arc chiite, et zone Sahélienne) réunissaient toutes les zones de tension, on voit poindre en Amérique du Sud, des agitations militaires, autour du Guyana et du Venezuela…. L’enjeu de nouvelles richesses pétrolière proches et l’opportunité de trouver une diversion aux difficultés intérieures ont poussé les dirigeants de Caracas à remettre en question des frontières acquises de longue date.
A part la région Sahélienne, cette thématique de frontières est présente dans les 3 autres arcs de crise du monde :
• En Mer de Chine avec les exigences de Pékin sur un très grande nombre d’îles s’étendant du Japon au Philippines, en passant par Taïwan ;
• Le long de la frontière occidentale russe, de la Géorgie à l’Ukraine, sans oublier la situation de la Transnistrie….
• Le Proche-Orient, avec la définition des frontières autour d’Israël.
Nous sommes très bien placés en Europe, pour savoir que depuis des siècles, les questions de frontières ont alimenté un nombre invraisemblable de guerres.
La deuxième partie du XXème siècle en Europe, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, s’est déroulée pratiquement (à l’exception des soubresauts balkaniques) sans considérations frontalières. L’Allemagne de l’Est et de l‘Ouest ont même été réunies sans un coup de feu…. Qui aurait pu imaginer en 1945, ou en 1948 au moment du blocus de Berlin par l’URSS, voir 40 ans plus tard, une telle dynamique frontalière… pacifique….
Souvenons-nous également de la séparation, tranquille, de la Tchécoslovaquie en deux États en 1993. En cette fin de XXème siècle, une nouvelle ère s’ouvrait. Mais le XXIème siècle a pratiquement débuté en renouant avec les conflits frontaliers. A l’évidence, nous n’avons pas vu ressurgir ce potentiel danger d’un élargissement des conflits frontaliers en Europe.
Tout a recommencé en 2008, à la frontière russo-géorgienne. Le Kremlin n’avait pas envoyé de chars et de troupes à travers ses frontières, depuis… l’invasion de l’Afghanistan en 1979. L’Ossétie du sud et l’Abkhazie ont été perdu par la Géorgie…. La Crimée et Sébastopol ne sont distants que de 1.000 km de la capitale géorgienne.
Six ans plus tard, la Crimée était annexée. Huit ans plus tard, et après la déstabilisation du Donbass, le nouvel objectif s’est appelé Kiev. L’invasion de l’Ukraine était lancée.
La Paix nous a fait oublier l’Histoire, russe
Mais nous avions totalement oublié d’autres formes d’agression, les répressions des chars soviétiques, à Varsovie en 1956, et à Prague en 1968. Sans réaliser des franchissements de frontière, ces interventions meurtrières, relevaient de l’asservissement de pays indépendants par une force militaire étrangère, certes à l’intérieur d’un « glacis » reconnu, mais constituaient tout de même un asservissement par la force.
Si nous revenons au blocus de Berlin de 1948, tous les dix ans, nous avons connu une intervention militaire soviéto-russe, Varsovie, 1956, Prague 1968, Kaboul, 1979, et puis l’effondrement de l’URSS 1991.
L’ours russe était-il mort ? non il était simplement endormi ou engourdi. Avec l’ordre rétabli en Tchétchénie et dans le reste de l’empire par l’arrivée de Vladimir Poutine et l’ossature du FSB, s’est ajoutée l’envolée des ressources pétrolières. Le cours du Baril a été multiplié par 6 ( ! ) entre l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, fin 1999, et l’été 2014, et sur cette période la Russie a augmenté sa production de 50%. Au cours de ces 15 années, les ressources pétrolières de la Russie ont été multiplié pratiquement par 10 ( ! ). Fantastique pactole, qui lui a permis de financer son réarmement…. et de disposer de forces à la hauteur de ses ambitions affichées dès 2007, à savoir que la chute de l’URSS « plus grande catastrophe géopolitique du XXème siècle », devait être effacée.
Nous connaissons la suite….
Les forces ukrainiennes, au cours de l’année 2023, n’ont pas réussi à percer les lignes de défense russes et à atteindre la Mer Noire, en coupant le front russe en deux. Cette percée aurait mise la Russie en grande difficulté, militaire et politique. En conséquence, l’année 2024 pourrait être décisive si la Russie, à son tour marquait des points sur le front militaire. Malgré l’intensité des frappes de missiles russes sur les villes ukrainiennes, des négociations viennent d’aboutir à l’échange, au total, de presque 500 prisonniers. Si des négociations de libération ont eu lieu, d’autres concernant un cessez-le-feu, auraient-elles commencé ?
L’année 2024 dans la guerre en Ukraine, sera-t-elle celle de la Colombe ou du Dragon, cracheur de flammes ?
Les problématiques du Proche et Moyen-Orient
Le Dragon est apparu, de façon totalement inattendue, en 2023 sur les frontières israéliennes. Le Hamas a créé un chaos dans la région qui a eu pour immédiate conséquence le gel des négociations de normalisation entre Israël et l’Arabie Saoudite, dans le cadre des accords d’Abraham de 2020.
Cette déstabilisation voulue et organisée par l’Iran, à travers les mouvements que le régime iranien contrôle, ou alimente, de Gaza à l’Irak, en passant par le Liban et la Syrie, affecte également une partie du commerce mondial par l’action des Houthis en Mer Rouge, contrôlés aussi par Téhéran.
La poursuite des combats à Gaza, leur suspension, ou leur arrêt déterminera qui, de la Colombe ou du Dragon, marquera l’année 2024, le sort d’une centaine d’otages israéliens étant suspendu à cette incertitude.
La paix ou le conflit est également en question en Mer de Chine.
L’arc de Crise Indo-Pacifique
Les évènements se tendent dans le Pacifique entre la Chine, ses voisins maritimes, en incluant naturellement Taïwan. La Corée du Nord y ajoute une agitation nucléaire…..
Des incidents maritimes, de plus en plus nombreux, se sont déroulés au cours de l’année 2023 entre les garde-côtes (militarisés) Chinois et les navires de pêche, en particulier Philippins. Cette situation a conduit au renforcement des accords de défense entre les États-Unis et les Philippines, sous forme d’équipements et de mise en place de nouvelles installations militaires américaines dans les îles du nord de l’Archipel Philippin. Plus au nord, la Corée du Sud, le Japon et les États-Unis accélèrent la coordination opérationnelle de leurs forces aériennes, maritimes et terrestres. Plus de 80.000 membres des forces armées américaines sont maintenant stationnés au total dans ces deux pays.
Le Pentagone a également décidé de réactiver une base militaire dans les îles Mariannes, dont les infrastructures remontent à la guerre du Pacifique….. Ces investissements font partie des 27 milliards de dollars d’investissement, prévus jusqu’en 2027, dans les infrastructures militaires du Commandement indo-Pacifique du Pentagone.
Verrons-nous en 2024 de la « tôle froissée » entre navires Chinois et Philippins, ou vietnamiens, ou…américains ?
Le Dragon Chinois crachera-t-il du feu, cette année, autour de Taïwan ou des îlots du Pacifique ?
La Colombe pourra-t-elle approcher de ces rivages très disputés ? Cette année, dans le calendrier Chinois est l’année du Dragon…….
2024 sera-t-elle une année de plus haute intensité de la guerre, classique en Ukraine, et de la guerre hybride dans les autres arcs de crise du monde ?
2024 sera-t-elle l’année de la Colombe ou du Dragon ? Le vœux est assez simple à formuler. Quelle sera la réalité ?