La prochaine révolution géopolitique, sera indo-européenne !

La prochaine révolution géopolitique, sera indo-européenne !

Article paru sur le site Contemporain.net le 14 février 2025

IMEC ? Il n’est pas certain que ce sigle soit très connu en dehors de quelques cercles. Il n’est ni très explicite, ni très communicant… ! Il représente cependant la plus grande réponse géopolitique et commerciale, face à l’initiative des nouvelles routes de la soie de la Chine. L’India Middle East Europe Economic Corridor est né le 9 septembre 2023 à New Dehli, durant un sommet du G20. Il doit créer un arc économique et stratégique entre l’Inde et l’Europe grâce au Moyen-Orient. La venue à Paris, et à Marseille, du Premier ministre indien Narendra Modi, n’est-il pas l’occasion de jeter un regard sur cet IMEC, son contenu, et ce qu’il implique ?

La France a développé depuis de nombreuses années une relation très suivie avec l’Inde dans des secteurs stratégique, entre autres de la santé, du spatial, et du militaire.

Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, le rythme des rencontres, et le niveau symbolique des visites d’État, ont été des indicateurs de l’augmentation de l’importance accordée par les deux pays à la mise en œuvre d’une coopération plus stratégique.
La participation du premier ministre indien, au sommet de l’Intelligence Artificielle cette semaine à Paris, est un indicateur, et sa place de co-président un signe fort.

L’importance de la visite et du rapprochement qu’il implique sera amplifiée par le déplacement conjoint dans le sud de la France du Premier ministre et du président. La visite des installations de recherches nucléaires, internationales, à Cadarache, des projets communs sur de futurs « petits réacteurs modulables » nucléaires, et la place du port de Marseille dans les liaisons maritimes avec l’Inde, constituent un schéma clair des projets futurs. Des contrats immédiats sont même envisagés.

Ce rapprochement bilatéral se situe aussi dans un contexte stratégique international dans le cadre de l’IMEC, structurant le flux économique, des données, et de l’énergie entre l’Inde, et l’Union Européenne, via le Moyen-Orient.

L’importance stratégique européenne

La vision stratégique de cet axe a été formulé par Joe Biden, depuis New Dehli. La Grande Histoire ignore le hasard, elle naît des alignements. Pourquoi les États-Unis sont-ils donc le moteur d’un tel projet ?

Il est nécessaire de revenir aux fondamentaux. Le débouché commercial, ultime et principal des routes de la soie, est le marché de l’Union Européenne. L’ajout géographique de la Grande-Bretagne et de la Turquie constitue un ensemble de presque 600 millions de consommateurs, avec un PIB proche de celui des États-Unis, et supérieur de 25% à celui de… la Chine… !

Les États-Unis ont acquis de façon croissante depuis 1945 des positions sur le marché européen, que nul autre pays peut approcher. Non pas en considérant simplement les exportations américaines vers l’Europe, mais en y ajoutant le chiffre d’affaires des centaines d’entreprises américaines qui ont établi leurs usines, leurs bureaux, leurs points de vente dans l’ensemble des pays du continent européen.

Dans le seul domaine des Logiciels, l’Europe représente en moyenne 30% des ventes mondiales des entreprises américaines du domaine….
Les États-Unis ne disposent d’aucune autre présence géographique dans le monde, leur apportant une telle puissance économique et stratégique complémentaire, ni dans la sphère américaine nord-sud, ni en Asie, ni en Afrique…

L’ouverture du corridor indo-européen est donc destinée entre autres, à fortifier la richesse européenne, et la puissance américaine, en limitant l’impact du projet des nouvelles routes de la soie initié par Pékin.

Le corridor indo-européen du futur

Ce corridor reliant l’Inde à l’extrémité ouest de la plaque euro-asiatique, s’articulera principalement autour d’infrastructures assurant la circulation optimale de 3 flux, Ces derniers se nomment, biens et services, énergie, et données.

La colonne vertébrale s’organisera autour de liaisons ferroviaires destinées à assurer un acheminement des marchandises, rapide, à moindre coût, avec une énergie propre, par rapport au transport maritime.

Ces artères ferroviaires seront accompagnées des infrastructures nécessaires aux liaisons de données haut débit, et aux infrastructures électriques impliquant l’alimentation de ces deux réseaux.

Le troisième flux concernera l’énergie, spécifiquement l’hydrogène, et donc les infrastructures de stockage et de transbordement.

L’ensemble des investissements pourrait s’élever à 500 milliards de dollars. L’ensemble des partenaires auront donc à assurer une réelle mobilisation capitalistique….

Le tracé géographique ouvre également sur des considérations géopolitiques et économiques intéressantes. À la frontière indienne ouest, se situe en effet le Pakistan, proche politiquement de la Chine, et impliqué dans les routes de la soie…. Les États-Unis à travers leurs relations politiques et sécuritaires avec le Pakistan, pourraient-ils faire évoluer le projet à l’ensemble du sous-continent indien, dans le temps…..

Même intéressante question vis-à-vis de l’Iran. Ce projet transnational, d’une énorme puissance, pourrait-il constituer une incitation supplémentaire à faire évoluer l’Iran, voire à un changement de régime ?

En poursuivant le chemin, on perçoit immédiatement l’intérêt des États du Golfe, et la complémentarité avec la dynamique des accords d’Abraham. Les investissements des Émirats Arabes Unis, de l’Arabie Saoudite dans les projets d’Intelligence Artificielle chez eux, et en France, prennent également un tout autre relief….

La France a très tôt compris l’importance de ce schéma stratégique et économique. Le président de la République a d’ailleurs nommé il y a un an, Gérard Mestrallet ancien président du groupe GDF Suez, représentant de la France dans la gestion de ce projet. Son expérience stratégique et industrielle de très haut niveau est un atout essentiel pour motiver et guider les entreprises françaises dans la construction de ce corridor primordial pour le futur de l’Europe. La France possède de très nombreux atouts pour représenter la porte de l’Europe, avec Marseille, ses infrastructures, et ses réseaux de communication vers l’intérieur européen.

La mise en place d’une stratégie globale de la part des fondateurs de l’IMEC (Inde, États-Unis, Arabie Saoudite, Émirats Arabes Unis, Jordanie, Israël, France, Allemagne, Italie, Union Européenne) en réponse à la stratégie chinoise des routes de la soie, représente un plan géopolitique majeur. Elle représente aussi une réponse des grands pays démocratiques, aux initiatives du système autoritaire chinois.

L’accélération du rapprochement entre le plus grand pays démocratique du monde, l’Inde avec le berceau grec, et européen, est aussi un symbole fort, 2.300 ans après les batailles d’Alexandre le Grand sur les bords de l’Indus…. La participation essentielle du Moyen-Orient à ce rapprochement doit s’inscrire dans une phase nouvelle de pacification de toute cette région, et une géopolitique indo-européenne du XXIème siècle.

La présence du Premier Ministre indien, Narendra Modi, à Paris et Marseille, contient beaucoup, beaucoup plus, qu’il n’y paraît.