Compagnies et pays pétroliers, obstacles ou acteurs de la transition énergétique ?
Article paru sur le site d’ATLANTICO le 25 janvier 2024
Les COP 27 et 28 ont créé une pression particulière sur les compagnies pétrolières et les grands pays producteurs d’énergie fossile. Faut-il qu’ils produisent moins de pétrole pour réduire les émanations de CO2 ? Assurément, mais comment mettre cette stratégie en pratique ? Il ne suffit pas d’être incantatoire. Plutôt qu’un seul maillon de la chaîne d’émission, consommateurs, industriels, pétroliers, ne faut-il pas que tous agissent simultanément ? L’industrie automobile offre un exemple, tout comme les compagnies pétrolières qui élargissent leurs portefeuilles énergétiques ?
Nous savons que l’activité transport représente, dans le monde, une part importante de l’émission de CO2, environ 25%, par l’utilisation de différents types de carburants pétroliers.
Le passage à l’électrique, pour les véhicules, est déterminant dans la réduction des émissions de carbone. Il implique les 3 maillons, consommateurs, industrie, et pétroliers. Cette stratégie de la mobilité électrique voit l’arrivée de nouveaux acteurs, purement électriques, dans la construction automobile, à l’image de Tesla. Mais sur les 80 millions de véhicules produits dans le monde, ces acteurs spécialisés, ne représentent que quelques pourcents de la production mondiale.
Donc, cela signifie que, quelle que soit la contribution des « pure players » constructeurs de véhicules électriques, la part principale de la conversion doit provenir des producteurs de véhicules thermiques, eux-mêmes.
Personne ne demande aux producteurs de véhicules thermiques de réduire leur production globale, mais de la convertir, en tenant compte de la demande….
Cette stratégie de conversion, en tenant compte de la demande, est exactement la stratégie mise en place par les grands acteurs pétroliers, industriels, ou pays producteurs. Il ne sert à rien de leur demander de réduire leur production. Ils la convertissent.
Les exemples d’évolutions industrielles
Nous avons un tel exemple en France, avec l’évolution du leader (5ème producteur mondial). Il en a même fait évoluer son nom pour y incorporer le terne « énergies » volontairement mis au pluriel….
Si les produits pétroliers ont représenté 55 % des ventes d’énergies en 2019, la société française veut faire passer ce chiffre à 35 % en 2030. Dans le même temps, elle entend investir massivement dans les énergies renouvelables (60 milliards de dollars en dix ans) pour faire passer sa capacité d’EnR brute (Énergie renouvelable) de 7 GWc (GigaWatt-crête) en 2020 puis 100 GWc en 2030. La société a pour objectif d’être parmi les cinq premiers acteurs mondiaux des EnR d’ici à 2030, en ajoutant que le groupe a la volonté d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
Le rachat de 20 % du géant indien Adani début 2021, signifie que le solaire photovoltaïque est aussi l’un des piliers de cette politique. Cette technologie représente 70 à 80 % des projets d’investissement dans les EnR , aux côtés de l’éolien offshore. La production massive d’hydrogène propre, fait également partie de cette stratégie globale de diversification.
Toujours dans cette stratégie de diversification, la société a fait savoir très récemment qu’elle souhaitait signer des contrats d’approvisionnement en électricité de 15 ou 20 ans avec EDF pour « aider à financer » de nouveaux réacteurs nucléaires ». Les flux financiers peuvent également accompagner cette stratégie de diversification énergétique.
Un autre exemple de volonté de diversification énergétique, d’une société de services pétroliers, est également donné par une autre société française, SLB (anciennement Schlumberger) et sa stratégie de Joint-Ventures. Elle a notamment créé Genvia, en collaboration avec le CEA et Vinci. La mission de cette nouvelle entité est la production…. d’hydrogène durable. Ainsi, même les sociétés de services se diversifient dans la production d’énergie non carbonée.
Ces processus industriels de diversification décarbonée et verte, s’expriment également chez certains États pétroliers.
Les stratégies des Émirats Arabes Unis
La clôture de la COP28 à Dubaï a permis aux Émirats de conforter leur rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pragmatiquement, le sultan Al Jaber, son président, a déclaré: “ “La finance est la clé pour transformer les bonnes intentions en résultats concrets”.
Il pouvait donc annoncer la création d’un Global Climate Finance Centre (GCFC), un Think Tank chargé d’accélérer le développement de la Finance verte mondial. Parmi ses premiers membres, des acteurs de la finance et du capital investissement, de rang mondial, tels que le fond Black Rock ou la banque HSBC, mais aussi le centre financier d’Abu Dhabi, l’ADGM et la Banque mondiale.
S’agit-il de greenwashing ou d’une réelle volonté politique ?
Force est de constater que la “montée en vert” des Emirats est soutenue depuis quelques années, en particulier 2023, déclarée “années de la durabilité par les autorités émiraties”. Elle a été marquée par plusieurs réalisation majeures en termes de réglementation ESG (Environnement, Social, Gouvernance) et de financement qui la place aux standards occidentaux dans le domaine.Ces décisions sont orientées par l’objectif d’émissions nettes carbone, nulles en 2050.
Cette stratégie de finances vertes s’ajoute à celle développé depuis plusieurs années dans la production d’énergies décarbonées. Rentre dans ce domaine, l’étonnante centrale hydraulique d’Hatta, située dans la partie montagneuse de l’Émirat. Elle correspond à une capacité de production de 250MW.
Plus naturel pour la région, il convient de mentionner la plus grande centrale solaire du monde, à 35km d’Abu Dhabi, d’une capacité de 2GW, capable d’alimenter 200.000 foyers, inaugurée il y a à peine 2 mois.
Les pays pétroliers, et des grandes compagnies, constituent des donc des contributeurs incontournables dans la transformation de l’échiquier énergétique mondial.
La nomination du président de la compagnie pétrolière émirienne à la tête de la COP 28 avait suscité immédiatement beaucoup de remous.
La nomination d’un ancien dirigeant de la compagnie pétrolière azerbaïdjanaise comme président de la COP 29 à Bakou a suscité beaucoup moins de réactions. Les analystes, et les consommateurs, comprennent l’évolution collaborative de l’industrie et des pays producteurs de pétrole, vers les énergies renouvelables et la finance verte.