Iran, la répression pour garder le pouvoir, à tout prix.

Article paru sur Atlantico le 29 mars 2025
La fin du régime à Téhéran est une problématique identifiée depuis 7 ans par de hauts représentants du pouvoir. Dès 2018, Nategh Nouri, ancien président de l’Assemblée Nationale, et Javad Amoli, prédicateur de la grande ville religieuse de Qom l’envisageaient. Sept années plus tard, une situation économique aggravée, et des revers significatifs en politique extérieure, rapprochent ce moment fatidique. Une seule solution à court terme pour le guide suprême, dissuader la population de se soulever en accroissant la répression.
La répression n’est pas une situation nouvelle pour le peuple iranien. Mohamad Reza Pahlavi avait précédemment créé la SAVAK, service de sécurité intérieure, responsable de la mort de plusieurs milliers d’opposants. A l’arrivée de Khomeini, son nom fut changé en VEVAK, en gardant une partie des effectifs. Un documentaire présenté à la télévision d’État le 2 février 2025 confirme que 10 des 11 divisions de la SAVAK ont prêté allégeance à Khomeini, avant la chute du Shah.
L’accélération des exécutions
A ce service de répression s’est ajouté celui du renseignement des Gardiens de la Révolution, la milice Bassidj, et le système judiciaire soumis au pouvoir. Cette organisation globale a conduit à l’exécution de 1000 prisonniers en 2024, après 864 en 2023. Ce macabre rythme s’accélère encore avec plus de 750 prisonniers exécutés depuis l’arrivée en juillet dernier du président Massoud Pezeskhian (présenté comme modéré). La peine de mort est un moyen d’Etat utilisé à des fins politiques, même pour les nombreux condamnés de droit commun.
La répression est principalement orientée vers 3 catégories de citoyens, les étudiants, les femmes, et les opposants politiques.
L’action contre les étudiants
L’an dernier les étudiants ont constaté l’arrivée de nouveaux étudiants d’origine irakienne, en réalité recrutés par les services de renseignement. Leur venue reflète une double stratégie d’infiltration et de capacité de répression depuis l’intérieur de l’université.
Le 14 février, un étudiant, Amir Mohammad Khaleqi, a été tué à proximité de la résidence universitaire à Téhéran. Des manifestations se sont immédiatement déclenchées. La répression s’est traduite par l’arrestation d’une centaine d’étudiants.
Les autorités ont renforcé les mesures de sécurité autour du campus afin de réprimer tout nouveau mouvement.
Une répression renforcée contre les femmes
La police de la moralité exerce une répression accrue dans les grandes villes, contre les femmes ne portant pas le hijab, obligatoire. La rudesse des arrestations fait partie du mode opératoire souhaité, afin d’augmenter l’image de la force de cette répression.
Le 2 février 2025 un groupe de prisonnières politiques du quartier des femmes de la prison d’Evin à Téhéran s’est vu interdire toutes visites après avoir scandé des slogans anti-régime. Leur protestation faisait suite au transfert de deux prisonniers politiques condamnés à mort.
Le 14 février, Sharifeh Mohammadi, d’origine kurde, militante syndicale condamnée à mort, dont la peine avait été annulée par la Cour suprême, a vu cette condamnation confirmée par la Cour d’appel.
L’an passé 34 femmes ont été pendues par le régime.
Une répression sur les Unités de Résistance
Le 2 février 2025, Manouchehr Fallah a été condamné pour « guerre contre Dieu, et actions contre la sécurité du régime ». Il était accusé d’avoir endommagé des bâtiments de services d’État.
Condamné à 15 mois de prison pour outrage à Ali Khamenei et propagande contre le régime, et alors qu’il terminait sa peine, une nouvelle affaire a été montée contre lui, conduisant à sa condamnation à mort.
Le 23 février 2025 on apprend par la voix de sa fille, que Mehdi Hassani voit rejetée sa demande de réexamen de sa condamnation à mort. Condamné pour « guerre contre Dieu » et appartenance à l’Organisation des Moudjahidines (combattants) du Peuple Iranien (OMPI). M. Hassani risque donc la mort.
L’attaque de bâtiments officiels représente une action typique des Unités de Résistance. Ces équipes ont été mises en place sur tout le territoire, depuis 5 ans par l’OMPI. Cette structure opérationnelle est reconnue comme « l’ennemi » par les médias officiels, et par le guide suprême, Ali Khamenei.
Actions et protestations
Les prisonniers eux-mêmes ont mis en place dans 35 prisons les « grèves de la faim du mardi » demandant l’arrêt de toute exécution capitale. Ce mouvement en est à sa 57ème semaine d’action.
En dehors d’Iran, les responsables politiques se mobilisent. Au Parlement européen un groupe de députés a appelé la Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Kaja Kallas, à intervenir pour empêcher l’exécution de prisonniers politiques iraniens.
Au Parlement britannique une session s’est tenue sur l’augmentation alarmante des exécutions en Iran. Aux États-Unis, les deux co-présidents, démocrate et républicain, du Comité pour les Droits de l’Homme et la Démocratie en Iran, ont condamné les récentes exécutions capitales.
En France, le 31 janvier, le Comité Parlementaire pour un Iran Démocratique (CPID) a lancé un appel urgent pour empêcher l’exécution imminente de deux prisonniers politiques. Une telle mobilisation internationale ne se manifestait pas il y a quelques années.
Depuis 2017, trois révoltes populaires, de niveau nationale, ont été maîtrisées par de sanglantes répressions. L’aggravation de la situation économique, et les échecs en politique extérieure, rendent probable un nouveau soulèvement populaire qui pourrait être fatal au régime. Le pouvoir veut reculer cette échéance en durcissant encore sa répression. Gouvernements et ONG doivent se mobiliser pour agir contre les décideurs de cette sanglante politique.