La nouvelle trajectoire de l’Union Africaine

Article paru sur La Tribune le 14 mars 2025
Au moment où les regards se tournent principalement vers l’Europe, les États-Unis et le Moyen-Orient, il ne faudrait pas oublier de regarder les évolutions en train de se produire en Afrique. Son organisation continentale, l’Union Africaine, poursuit son évolution. Ce développement positif a été créé par les impulsions du président sortant, Mohamed Ould El-Ghazouani, président de la Mauritanie. Tout indique que cette évolution positive devrait se poursuivre sous la direction du président de l’Angola, João Lourenço qui vint de prendre les rênes de l’organisation. Par Gérard Vespierre analyste géopolitique.
Le changement de présidence de l’Union Africaine s’est déroulé le 15 février 2025, lors de sa 38ème conférence réunissant chefs d’État et de gouvernement.
Le continent africain fait face à des défis nombreux, à l’échelle de sa taille et de sa diversité. Il représente une surface de 30 millions de km², soit pratiquement deux fois la surface de la Russie, plus grand pays du monde. Si plus de 100 ethnies cohabitent dans la Fédération russe, l’Afrique abritent plus de 2000 groupes ethniques différents.
55 États structurent une population totale dépassant les 1,5 milliards habitants. Ces quelques chiffres aident à mieux comprendre la diversité et la complexité des problèmes sociaux et politiques du continent. L’immensité et l’importance de la tâche de l’Union Africaine, se situe à la hauteur de ces données.
Les défis à relever
Ils peuvent se classer en cinq catégories, et s’étendent des conflits armés à la recherche progressive d’une autonomie financière.
Les conflits s’édentent des États du Sahel à la Somalie, en passant par la République Démocratique du Congo, et le Soudan. Leurs caractéristiques spécifiques nécessitent des approches et des schémas de résolution fort différents.
Après la recherche de la résolution des conflits se pose le vaste problème du développement économique, auquel se greffent les questions de bonne gouvernance et de corruption.
Ces stratégies se heurtent aux défis du changement climatique auxquels l’Afrique est particulièrement vulnérable, à travers la sécheresse, la désertification, les inondations, qui affectent l’agriculture, et donc la sécurité alimentaire.
Les conflits, crises économique et climatique, créent à l’échelle du continent des déplacements des millions de personnes, fuyant leur foyer. La gestion des migrations constitue donc une pressante priorité.
Enfin, développement, et gestion des crises nécessitent la mobilisation de ressources financières très conséquentes, souvent extérieures, limitant la capacité d’indépendance du continent. Cette situation requière donc une meilleure mobilisation des ressources propres.
Les organes directeurs de l’Union Africaine, et leurs dirigeants exercent en conséquence une responsabilité particulière dans la gestion de ces situations. Le bilan du président sortant, Mohamed Ould El-Ghazouani, président de La Mauritanie, est donc particulièrement important à évaluer.
Une action africaine et internationale
La durée du mandant d’un an, a conduit le président Mauritanien a accordé une priorité particulière à la résolution des conflits armés sur le continent.
Un des points saillants de son mandat a été son rôle dans la gestion de la crise soudanaise. Face à la guerre civile qui a éclaté en avril 2023, le président El-Ghazouani a contribué à faciliter les pourparlers entre les parties impliquées, appelant à un cessez-le-feu immédiat et à un dialogue inclusif. Son engagement a renforcé la crédibilité de l’UA en tant qu’acteur clé dans la résolution de cette guerre intérieure, impliquant le Conseil de paix et de sécurité de l’UA à intervenir de façon proactive.
En République Démocratique du Congo, il a également œuvré pour apaiser les tensions entre les groupes armés et le gouvernement. En collaboration avec l’Angola, il a facilité les échanges entre la RDC et le Rwanda, démontrant la capacité de l’UA à agir comme médiateur.
Au Sahel, le président a encouragé et pratiqué un positionnement équilibré de l’Union Africaine, face aux tensions entre les trois pays, Mali, Burkina Faso, Niger, et la CEDEAO, en privilégiant la médiation et la coopération sécuritaire.
Enfin, il a également tenu à apporter la contribution de l’UA aux efforts de résolution de la crise Libyenne. Il a contribué à la Relance d’un dialogue entre factions rivales, avec la proposition d’une charte de réconciliation pour stabiliser le pays.
Sur la scène internationale, l’UA a intégré sous sa présidence le G20 comme membre permanent. Cette réussite marque un tournant dans la reconnaissance des capacités contributives de l’Union Africaine, dans les affaires économiques et politiques mondiales. Lors du sommet de Rio en novembre 2024, le président Ghazouani a porté la question de la souveraineté alimentaire africaine. Il a également consolidé la présence de l’UA au sommet des BRICS, ainsi qu à l’Assemblée générale de l’ONU. Il s’est également exprimé au sommet arabo-islamique de Riyad, plaidant pour des réformes économiques et un renforcement du poids africain dans la gouvernance mondiale.
Avancées économiques et réformes institutionnelles
Sur le plan budgétaire, Il a encouragé une gestion plus efficace des ressources de l’Union Africaine, ce qui a conduit à une réduction significative du budget de l’organisation, estimée à environ 30 millions de dollars. Cette rationalisation a naturellement renforcé la viabilité financière de l’institution.
Dans le domaine économique et environnemental, il a plaidé pour des investissements accrus dans les énergies renouvelables et la transition écologique. Il a également soutenu des projets comme l’Initiative de la Grande Muraille Verte, visant à lutter contre la désertification et à restaurer les écosystèmes sahéliens
En vue de l’intégration économique africaine, il a souhaité accélérer le développement de La Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf).
Cette initiative majeure de l’Union Africaine, lancée en 2018, vise à créer un marché unique pour les biens et services à travers tout le continent.
Elle regroupe 54 des 55 États membres de l’Union Africaine, avec pour objectif principal de stimuler le commerce intra-africain en réduisant ou éliminant les barrières tarifaires et non tarifaires.
Dans le domaine essentiel de l’éducation, clé indispensable au développement économique, le président Ghazouani a promu l’organisation d’une conférence à Nouakchott en décembre 2024. Elle a abouti à la création d’un fonds panafricain pour l’éducation doté de 2 milliards de dollars.
Enfin, il a pu œuvrer à la Stabilisation interne de l’UA à travers le déblocage des élections des hauts dirigeants, paralysées depuis 2017, et le renforcement du Conseil de paix et de sécurité (CPS).
Ces avancées devraient permettre à son successeur de poursuivre cette dynamique africaine et internationale.
Un nouveau président et une nouvelle Commission
La tenue de la Conférence du 15 Février a en effet permis l’élection à la fois de son successeur et de celle du président de la Commission, renouvelé tous les 4 ans.
Le nouveau président élu de l’UA, et président de l’Angola, João Lourenço vient donc de prendre les rênes de l’UA. Ce choix est particulièrement intéressant car il a montré l’an dernier une forte capacité de décision. L’Angola, pays producteur de pétrole, membre de l’Opep, voulant assurer sa pleine autonomie financière, a décidé de sortir de cette organisation. La stratégie de cette dernière a en effet consisté depuis 2022 à réduire la production de ses membres pour maintenir les cours du baril. L’Angola a souhaité devenir maître de ses volumes de production, de façon à accroître ses recettes, en vue de satisfaire aux besoins de financement d’un développement national accéléré.
Il sera donc accompagné pendant son année de mandat, du nouveau président de la commission, Mahamoud Ali Youssouf, ancien ministre des affaires étrangères de Djibouti. Il a tenu ce poste durant les 20 dernières années, il possède donc une excellente connaissance de tous les dossiers, ce qui lui a valu de participer à plusieurs médiations dans les conflits en cours.
Ils héritent d’une organisation plus structurée mais cependant toujours confrontée à des défis majeurs, politiques et économiques.
Il s’agira pour ces deux dirigeant clés de l’Union Africaine de pérenniser le rôle de l’UA dans la médiation des conflits, en RDC, au Sahel, en Libye, et au Soudan. Ces guerres, le plus souvent intérieures créent autant d’obstacles, au développement économique africain. À cet égard, ils devront apporter le plus grand soin à l’accélération de la mise en place de la Zone de Libre Échange Continentale africaine. En parallèle, ils souhaiteront très certainement maintenir l’élan diplomatique international de l’Union Africaine, tant auprès du G20 qu’au sein des BRICS.
L’Union Africaine semble engagée dans une trajectoire très positive.