L’Ecosse ne votera pas son indépendance
Article paru sur La Tribune le 25 mai 2021
Titre provocateur ? Jugement volontairement à l’opposé des commentaires après l’élection du Parlement Écossais le 6 mai ? Absolument pas. Après tout scrutin, il s’agit d’analyser, de comparer, de déterminer une tendance. La synthèse qui en découle n’est pas favorable au SNP, parti leader et nationaliste. Il peut réussir à obtenir de Londres un nouveau scrutin sur l’indépendance de l’Ecosse, mais le gagner est très incertain.
La lecture des résultats de l’élection du Parlement Ecossais le 6 mai, s’est principalement concentrée sur le nombre de sièges remportés par le SNP « Scottish National Party ». Tous les regards ont été fixés sur la barre des 65 sièges de la majorité absolue. En ayant obtenu à lui seul 64 sièges, les médias se sont focalisés sur ce « presque succès absolu », et la tendance apparente qui s’en dégageait, c’est-à-dire le chemin de l’Ecosse vers l’indépendance.
Mais, tout résultat mérite une analyse plus approfondie, surtout dans le domaine politique, et encore plus particulièrement quand un tel enjeu se dessine.
Il convient aussi de bien différencier les scrutins. Un vote pour l’élection des membres d’un parlement n’est pas un référendum, les enjeux ne sont absolument pas comparables. Pour percevoir la tendance dans laquelle se positionne le SNP, il convint donc de se pencher sur l’analyse du même type de scrutin. Celui désignant les membres du Parlement Écossais est particulièrement intéressant car, il offre aux électeurs un choix ouvert, et la possibilité d’observer sur une longue période, en l’occurrence les 3 dernières élections de 2011, 2016 et 2021, l’évolution des résultats.
Mobilisation de l’électorat, impact sur le vote SNP
La première question à se poser concerne la mobilisation de l’électorat, et en deuxième lieu de discerner l’impact de cette évolution sur le résultat. La réponse est contenue dans le graphique ci-dessous. Il montre que la participation a été très moyenne il y a 10 ans, avec seulement 50% de votants parmi les inscrits. Mais la mobilisation a augmenté de pratiquement 35% en 2021 par rapport à 2011. Cette mobilisation profondément accrue s’explique par la politisation de l’électorat liée au double référendum, indépendance en 2014, et Brexit en 2016.
Il est étonnant de constater que la mobilisation croissante de l’électorat Écossais (courbe bleue) ne profite nullement, en termes de voix, au parti indépendantiste SNP. Ce graphique comparatif permet en effet de mettre en évidence que le pourcentage de voix obtenues par le SNP (courbe orange) baisse régulièrement alors que le taux de participation augmente….!
L’enseignement politique est clair. Les indépendantistes, fortement motivés par leur choix, se mobilisent et se déplacent les premiers vers les bureaux de vote. Mais au fur et à mesure que les électeurs se mobilisent, on constate que ces nouveaux votants sont moins motivés par l’indépendance, et portent donc moins leurs voix sur les candidats indépendantistes…… !
Mais cette tendance a-t-elle également un impact sur l’évolution du nombre de sièges obtenus depuis 10 ans par le parti indépendantiste ?
L’évolution du nombre de sièges du SNP
Comme précédemment évoqué les regards se sont portés lors de l’élection du 6 Mai, sur les résultats en sièges, obtenus lors de ce scrutin, mais non sur la tendance de la représentativité du SNP.
On constate à nouveau, que le nombre de sièges du SNP (courbe orange) a diminué depuis 10 ans à l’image du pourcentage de voix. De 69 sièges en 2011, le SNP a obtenu respectivement 63 et 64 sièges en 2016 et 2021.
Certes le SNP est à un siège de la majorité absolue, mais il avait obtenu cette dernière en 2011 (69 sièges) avec…..25% de votants en moins.
La conclusion est claire, plus les électeurs écossais se mobilisent, plus le poids électoral du SNP s’effrite, tant en voix qu’en siège.
Quelles conclusions tirer pour le futur ?
Les projections à moyen terme
Le SNP et son allié, les verts (Scottish Green Party) soutenant activement la sortie de l’Ecosse du Royaume-Uni, mettront tout en œuvre pour obtenir de Londres la tenue d’un nouveau référendum sur l’indépendance.
Mais si cette étape est fondamentale, et qu’un second référendum se déroule dans un délai raisonnable de quelques années, un résultat favorable à l’indépendance, dépassant donc le seuil des 50% est loin d’être obtenu.
En 2014, les indépendantistes ont obtenu 45% des voix, et en 2016 les écossais ont rejeté le « Brexit » à 62%. Si le rapprochement est tentant, il ne convient pas de substituer un résultat à un autre, car le peuple écossais, dans le calme et de bon sens, répond de façon très adaptée et très précise à la question qui lui est posée. Il continuera de soupeser les avantages, et les inconvénients, économiques, sociaux et politiques, pour une population de seulement 5,5 millions de personnes de proclamer son indépendance. Nulle différence culturelle ou religieuse, à l’opposé de l’Irlande, ne vient amplifier une dynamique de séparation.
Le gouvernement britannique s’il ne parvient pas à s’opposer à la tenue du référendum saura mettre en avant les contre-feux, soit en orientant le processus électoral vers un « vote indicatif » soit en « intensifiant » habillement le débat intérieur.
Il n’est pas sûr que Bruxelles considère, au fond, d’un très bon œil une indépendance de l’Ecosse. En conséquence, il ne faudra certainement pas attendre une aide venant de l’autre côté du Channel.
Dans un tel contexte de dynamique indépendantiste décroissante, malgré une participation croissante, et des éléments extérieurs défavorables, le peuple Écossais se dirigera vers la prudence.
Ne nous attendons donc pas à une indépendance de l’Écosse.
Il reste au SNP à utiliser habillement cette situation pour obtenir de Londres plus de moyens en faveur de l’économie Écossaise.