Une étape tant espérée….
Officiellement en projet, puisque figurant en conclusion de ma présentation personnelle sur le site du Monde Décrypté, la rédaction et la publication d’un ouvrage, surtout le premier, constitue un immense challenge.
Mais ce défi, une fois relevé, constitue également une immense récompense. Les émotions entourant la publication de « Vers la prochaine révolution iranienne » sont donc nombreuses et fortes. Je suis donc particulièrement heureux de les partager !
Il y a eu un premier frémissement, grâce à Hélène Blanc, qui l’an dernier m’avait demandé de rédiger un chapitre d’un l’ouvrage collectif sur Vladimir Poutine, autour de 20 autres contributeurs qu’elle coordonnait. Mais être premier de cordée, au lieu de figurer dans un ouvrage très collectif, relève d’une toute autre entreprise.
Pourquoi se pencher sur l’Iran ?
Ce choix relève d’un très grand nombre de raisons. Je me suis pour la 1ère fois rendu dans ce pays, je venais tout juste d’avoir….23 ans….Il y a donc peut-être l’envie, cachée, de retrouver une tranche de jeunesse.
Depuis 10 ans, j’ai consacré à ce pays une trentaine d’articles, plusieurs dossiers d’études, et de nombreuses interventions dans les médias.
Sur le plan géopolitique, le Royaume Perse a toujours constitué un formidable carrefour entre l’Orient et l’Occident. Depuis la révolution islamique de 1979, Téhéran a développé une influence politique et militaire forte dans tout le Moyen-Orient. Sur le plan intérieur, le régime a toutefois fait une totale impasse. Je citerai à dessein la déclaration, il y a quelques semaines, d’une iranienne anonyme : «Ce régime n’a rien fait pour nous ».
Elle corrobore parfaitement une déclaration emblématique du guide suprême Khamenei, faite quelques années plus tôt, après les émeutes de 2019, liées à l’augmentation du prix des carburants : « Entre les demandes du peuple, et les objectifs de la République islamiques, je choisirai toujours, les objectifs ». On ne peut être plus clair et cynique à la fois.
La singularité du régime
Une république islamique, dirigée par des religieux, dans le seul pays musulman, mais non arabe, puisque Perse, qui plus est à majorité chiite (alors que le courant sunnite est majoritaire dans la communauté musulmane) constitue une addition très particulière, et unique.
A cette singularité, il convient d’en ajouter un certain nombre d’autres. L’Iran est en effet le seul pays à avoir développé, et garder sous son contrôle, des mouvements et des milices établies dans d’autres États, à l’image du Hezbollah au Liban, des rebelles Houthis au Yémen, ou des brigades pro-iraniennes en Irak.
Depuis plusieurs dizaines d’années le régime iranien est également le seul à développer des programmes nucléaires et balistiques à usage militaire.
Grande et infiniment condamnable est sa pratique des attentats comme arme d’influence à l’extérieur de ses frontières, tout comme la séquestration de citoyens non iranien dans ses prisons, comme outil de chantage et d’extorsion à l’égard de pays étrangers.
Enfin il convient de mentionner comme grande caractéristique des choix du régime d’avoir sous-exploiter depuis 45 ans ses ressources pétrolières et gazières tout en détenant dans ces deux ressources des réserves de toute première importance mondiale. Dans le domaine pétrolier, l’Iran qui depuis 1979 a vu sa population doublé, produit 3 fois moins de pétrole par habitant… ! Les restrictions d’exportations appliquées depuis 20218 sous la pression américaine ont été compensées par les achats chinois.
Pourquoi envisager une révolution prochaine ?
Le pays a vécu depuis 2017 trois révoltes populaires. Chaque fois la répression du régime a été particulièrement violente. Le rythme de ces révoltes ont donc singulièrement augmenté, puisque la première, de nature politique remonte à 2009…
Ces dernières années, la paupérisation de la population n’a cessé d’augmenter, à cause de la dévaluation de la monnaie, et en conséquence une inflation de haut niveau (50%) et son corolaire, l’augmentation des prix. Le taux de chômage est particulièrement élevé chez les jeunes (20-25%), avec pour conséquence une augmentation de l’immigration.
En dehors de ces paramètres économiques, il convient d’ajouter l’agitation sociale caractérisée par de nombreuses grèves dans l’industrie, mais aussi dans l’enseignement. À cela s’ajoute des manifestations de retraités dont les faibles pensions connaissent d’importants retards de paiement.
Ce cumul crée inévitablement une rupture POLITIQUE entre la population et le régime. Ce rejet se matérialise à travers l’écroulement des taux de participation aux derniers scrutins, présidentiel de 2021 et législatif de 2024, autour de 20%.
Le décès accidentel du président Raïssi va ainsi conduire à un nouveau scrutin présidentiel, en dehors du calendrier de renouvellement, le 28 juin.
Le pouvoir redoute le taux de participation, et communiquera des chiffres (ses chiffres) qui lui seront le moins défavorables possibles. Le taux réel pourrait être inférieur à 20% ….
Cette période constitue un défi additionnel pour le régime. Il déploiera le maximum de forces de sécurité, communiquera fortement contre les opposants, à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Il sera aussi de plus en plus répressif socialement, en particulier contre les jeunes femmes qui s’éloignent de plus en plus du port réglementaire du voile….
La colère gronde économiquement, socialement et politiquement.
On peut s’interroger sur la couverture du livre et les très nombreux points rouges qui recouvrent la carte de l’Iran.
Il s’agit de l’identification des villes où ont eu lieu des révoltes liées au décès de la jeune Mahsa Amini. La révolte a donc recouvert tout le pays.
Les ressorts d’une nouvelle révolution sont en train de se tendre de plus en plus. Il faudra peu de chose pour qu’ils se détendent violemment, et que l’Iran passe d’une révolte à une révolution.