La République Démocratique du Congo (RDC) va-t-elle créer une guerre régionale ?
Article paru sur le site de la La Tribune le 11 juillet 2024
Lundi 8 juillet, le Groupe d’experts des Nations Unies sur la République démocratique du Congo (RDC) a rendu public son rapport final sur la situation sécuritaire dans l’est du pays, et les responsabilités des autres acteurs, Ouganda et Rwanda. Ses conclusions sur l’armée de la RDC et ses soutiens sont sans appel : corruption, pillage et, plus grave encore, mobilisation des enfants soldats. Dans ce cadre, les récentes déclarations des chefs d’État congolais et rwandais sont sans ambiguïté : la guerre entre les deux pays devient une option crédible.
Cette région de l’extrême Est de la RDC s’identifie également par le nom de ses provinces, Nord et Sud Kivu, Ituri…. Géographiquement, elles se situent, en ligne droite, à plus de 1.500km de la capitale Kinshasa, implantée à l’extrême Ouest du Pays. Une dense forêt tropicale sur toute cette distance, accroît la séparation.
Ces 3 provinces représentent moins de 10% de la superficie totale de la RDC, mais plus de 20% de sa population. Enfin, elles sont directement frontalières de l’Ouganda, du Rwanda et du Burundi et abrient de grandes richesses minières, en profondeur, mais aussi en surface… ! Cette courte description géographique plante le décor géopolitique : Un territoire très éloigné de la capitale, abritant de multiples ethnies, frontalier de 3 pays, et possédant de grandes richesses…..Tous les éléments d’un drame profond et structurel sont réunis. Les trente dernières années en témoignent.
Une instabilité permanente
Depuis la fin de la seconde guerre du Congo en 2004, le pouvoir politique de la RDC n’est pas parvenu à pacifier et ordonner ses 3 provinces. Les milices armées y prolifèrent, à l’avantage de petits seigneurs de la guerre locaux. On estime, l’an dernier, le nombre de ces groupes à près de 200… !
La violence trouve également ses racines dans des conflits inter-ethniques, avec pas moins d’une quinzaine d’ethnies différentes, dans ces seules 3 provinces. L’auto-financement de cette multitude de groupes est principalement assuré par les trafics illégaux autour des ressources minières, principalement l’or mais aussi les diamants, et le coltan (minerai stratégique, utilisé dans l’électronique). S’y ajoute la pratique, organisée, du kidnapping d’enfants et de membres des ONG.
Il convient, hélas, d’y ajouter l’action plus récente d’un groupe d’origine djihadiste, ADF (Allied Democratic Forces). Les États-Unis ont classé ce groupe en mars 2021 dans la liste des groupes armés affiliés à l’État Islamique.
L’incapacité de la RDC à relever le défi
Rongée par la corruption et limitée par le manque de moyens, la RDC n’a pas été seulement incapable d’apporter des solutions, mais elle est devenue, avec le temps, une partie du problème. En effet, le déploiement de son armée dans ces provinces n’a pas apporté la solution sécuritaire espérée, mais elle a fini par se comporter, à l’image des milices armées qu’elle était censée affronter et vaincre. Les Forces Armées de la RDC (FARDC) se sont impliquées dans l’exploitation minière illégale, alliées avec des groupes armés criminels, et ont montré aucun respect vis-à-vis des droits élémentaires des populations qu’elles étaient censées protéger.
De plus, les FARDC n’ont nullement fourni les résultats opérationnels attendus, du fait d’un mauvais commandement, et d’une formation insuffisante à ce type de mission, relevant de la pacification intérieure. Des réformes ont été tentées par les présidents Joseph Kabila, puis Félix Tshisekedi, mais n’ont pas donné les résultats escomptés, principalement à cause des problèmes structurels de l’État congolais.
Il faut également mentionner l’implication des élites affairistes des 3 provinces dans les trafics miniers, certains leaders se faisant même élire dans les instances régionales, voire nationales congolaises.
La situation du voisin Rwandais
Face à cette situation, la position du Rwanda apparaît en image inversée. Pays émergent, prometteur, il jouxte les Kivu et l’Ituri. Il subit donc directement la déstabilisation de son voisin congolais. Certes, Kigali tire un certain parti de cette situation sur le plan économique en captant une part du flux commercial des extractions minières illégales, bien que le Rwanda dispose déjà sur son territoire d’un secteur minier en plein développement. Mais cette permanente instabilité, à ses frontières l’affecte doublement.
Il subit les flux de réfugiés congolais venant s’abriter sur son territoire, mais aussi la présence de groupes armé, les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda FDLR, composées d’anciens génocidaires Hutus, qui collaborent avec les Forces Armées de la RDC… Cette situation conduit le Président rwandais à ne réfuter que mollement la présence de forces rwandaises en RDC…
Une forte montée en tension
Cette situation a conduit le président congolais Félix Tshisekedi, il y a une dizaine de jours, a accusé le Rwanda de mener « un génocide » dans l’Est du Congo. Le président Rwandais a immédiatement répondu que son pays était prêt à rentrer en guerre avec la République du Congo : « Nous sommes prêts à nous battre, ….nous n’avons peur de rien ». Il retourne même l’argument, en accusant au contraire le président congolais d’ «orchestrer le retour d’une idéologie génocidaire dans l’Est congolais, visant les Tutsis congolais ».
Même si l’on considère l’élection présidentielle rwandaise, mi-juillet, comme un facteur poussant à un discours national exacerbé, la situation a rarement été aussi tendue entre les deux pays.
La communauté internationale est « fatiguée » de cette situation congolaise, les programmes mis en place depuis des décennies n’ont pas abouti à des résultats tangibles. Les efforts internationaux, en particulier américain, pour limiter les trafics de matières premières ont été contournés.
La déstabilisation intérieure de la RDC va-t-elle conduire à un conflit extérieur ?